Surprise du 5 décembre 2022
Aujourd’hui, je vous propose une lecture inspirante…
Le langage des arbres
D’après le dictionnaire, le langage est la capacité des hommes à s’exprimer et à communiquer entre eux. Nous serions donc les seuls aptes à parler, puisque la notion ainsi définie se limite à notre espèce. Est-ce bien certain? Pourquoi les arbres ne s’exprimeraient-ils pas? Mais comment s’exprimeraient-ils?
Une chose est sûre, ils ne parlent pas et n’émettent aucun son. Les branches qui craquent quand il y a du vent, le bruissement du feuillage sont des phénomènes passifs indépendants de leur volonté.
Les arbres disposent cependant d’une manière d’attirer l’attention: l’émission de substances odorantes. Les substances odorantes seraient-elles un moyen de communication? Assurément, et même un moyen auquel nous reconnaissons une certaine efficacité, sinon pourquoi utiliserions-nous du parfum et des déodorants? Mais notre seule odeur corporelle suffit à interpeller le conscient et le subconscient de nos congénères. Il existe des personnes que nous ne pouvons pas sentir, d’autres au contraire dont l’odeur nous attire irrésistiblement.
D’après les scientifiques, les phéromones présentes dans la sueur joueraient un rôle déterminant dans le choix du partenaire avec lequel nous souhaitons nous reproduire pour assurer notre descendance. Nous possédons donc un langage olfactif secret, ce dont les arbres peuvent, au minimum, aussi se prévaloir.
Dans les années 1970, des chercheurs ont mis en évidence l’étonnant comportement d’une espèce d’acacia de la savane africaine dont les feuilles sont broutées par les girafes. Pour se débarrasser de ces prédateurs très contrariants, les acacias augmentent en quelques minutes la teneur en substances toxiques de leurs feuilles. Dès qu’elles s’en rendent compte, les girafes se déplacent vers les acacias voisins. Voisins? Non, pas tout à fait, elles ignorent tous ceux qui se trouvent dans le périmètre immédiat du premier arbre et ne recommencent à brouter qu’une centaine de mètres plus loin. La raison en est surprenante : les acacias agressés émettent un gaz avertisseur (dans ce cas de l’éthylène) qui informe leurs congénères de l’imminence d’un danger. Aussitôt, les individus concernés réagissent en augmentant à leur tour la teneur en substances toxiques de leurs feuilles. Les girafes, qui n’ignorent rien du manège, se déplacent jusqu’aux arbres non avertis. Ou bien elles remontent le vent. Les messages olfactifs étant transportés d’arbre en arbre par l’air, si les girafes se déplacent dans le sens contraire au vent, le premier arbre voisin n’aura pas été informé de leur présence, et elles n’auront pas à interrompre leur repas.
Nos forêts tempérées sont le théâtre de phénomènes similaires. Les hêtres, les chênes, les sapins réagissent eux aussi dès qu’un intrus les agresse.
Extrait de « La vie secrète des arbres. » de Peter Wohlleben