Surprise du 8 décembre 2022

Calendrier avent aude a la deco

L'homme au pagne

Jen Sincero est mon booster perso. J’ai lu plusieurs de ses livres et j’aime son ton humoristique pour aborder des sujets qui le sont moins et peuvent même être assez profonds. 
Dans son livre « Tu vas tout dé-chi-rer !. », elle donne plein de conseils et d’exercice pour révéler son plein potentiel.

Voici un extrait du chapitre 9.

Mieux vaut être haï pour ce qu’on est, qu’aimé pour ce qu’on n’est pas.
André Gide
Ecrivain, prix Nobel
Explorateur téméraire du Moi

« Chaque mois de mai, je pars en expédition, sac au dos, dans les zones désertiques du sud-est de l’Utah avec deux vieux amis. C’est l’un des coins les plus beaux et les plus bizarres que je connaisse : des rochers énormes jaillissent du sol, comme déchiquetés, d’un rose obscène, semblables à de gros morceaux de viande crue ; des tours de grès blanc, jaune et violet s’élèvent et se tordent, comme sculptées dans la mélasse ; de profondes crevasses visibles à la surface forment des canyons étroits comme des cathédrales dont les murs, érodés par les crues soudaines et les tempêtes de sable, changent de couleur à mesure que les rayons du soleil s’infiltrent par l’ouverture étroite, loin au-dessus.

C’est comme la Lune. En plus cool.

Nous parcourons gaiement cet univers alternatif, ramassons des cailloux colorés, grimpons sur des rochers et discutons de savoir quel aigle ou quel serpent des montagnes gagnera le prix de la Créature du Jour. Mes amis sont d’excellents explorateurs et nous pouvons nous aventurer profondément dans la nature sauvage, là où aucune piste ne mène et où personne ne va. En seize ans de randonnées là-bas, nous pourrions certainement compter le nombre de gens que nous y avons croisés sur les doigts d’une main. C’est pourquoi j’ai été si surprise voire incrédule le jour où mon ami Tom, qui était parti devant dénicher un endroit où camper pour la nuit, nous a affirmé qu’il avait vu quelqu’un. « Je viens de rencontrer un type complètement sauvage, m’a-t-il dit quand je l’ai rejoint. « Il ne portait qu’un pagne et un bandeau. Il tenait aussi une lance. Il m’a dit qu’il vivait dans le canyon depuis treize ans.
— Et il chevauchait un dragon magique ?
— C’est pas une blague.
— Alors où est-il ?
— Parti jeter un œil sur son piège à écureuil. Mais il pourrait revenir.
— Mmmm mmm. »

Tom est un très mauvais menteur et la chute de sa blague, quelle qu’elle soit, ne venait pas assez vite, alors j’ai posé mon sac et j’ai commencé à planter ma tente, ne l’écoutant qu’à moitié. Après quelques minutes, alors que j’étais pliée en deux à marteler l’un de mes piquets, j’ai regardé entre mes jambes et j’ai vu une paire de pieds bronzés dans des sandales de fortune, des jambes nues, solides, et un écureuil mort pendouillant par la queue depuis le poing serré qui le tenait. Je me suis redressée, retournée, et face à moi : l’homme au pagne.

Ce que Tom n’avait pas précisé, c’est que l’homme au pagne était terriblement sexy. Il devait approcher de la fin de la trentaine, avait un corps fin et musclé, un bronzage sauvage, des cheveux bruns et emmêlés et la barbe qui allait avec. Il aurait été parfait dans le rôle d’un Tarzan moderne, chasseur de bisons et de jolies femmes. C’est ce qui m’a tout de suite rendue méfiante, même s’il était superbe. Ça et son pagne à la coupe impeccable et apparemment taillé dans un cuir italien très souple plutôt que dans un lapin sauvage rachitique. Pourriez-vous l’enlever pour que j’y jette un œil ? Tout ça était un petit peu trop cliché. Il ne pouvait pas tout simplement porter un short ? Et allait-il réellement manger cet écureuil ? Enfin, quoi qu’il en soit, nous nous sommes rassemblés autour de lui comme des enfants devant un bébé cochon à la foire du village, abasourdis par notre chance. Cette fois-ci, pas de débat. La Créature du Jour était toute trouvée.

Il était très amical et répondait à toutes nos questions d’un ton lent et délibéré. Il nous a appris que ce canyon et les autres alentour étaient ce qui constituait sa maison. L’air détaché, il nous a dit trouver la société moderne inutilement compliquée et mal engagée, à tel point qu’il préférait vivre de ce que la nature lui donnait, stocker des graines pour l’hiver et dormir dans une grotte. Ce qui m’a le plus frappée chez lui, plus encore que sa technique pour se couper les cheveux avec une pierre taillée ou le fait qu’il ne porte probablement pas de slip, c’était sa façon de ne jamais se justifier. Et nous étions là, empotés, à lui tourner autour, l’air soudain ridicule avec nos chaussures de randonnée hors de prix et nos habits anti-UV, tandis qu’il nous racontait qu’il avait passé des semaines à tailler l’arc et les flèches qu’il avait utilisés pour tuer le cerf dont la peau avait servi à lui confectionner une sorte de couverture.

« Tant mieux pour lui », pensais-je en le regardant s’éloigner, balançant son écureuil telle une femme son sac à main. Il se moquait de ce qu’il aurait dû faire, de ce qu’il ratait ou de ce qu’une nana de L.A. aurait pensé de son magnifique cache-sexe en peau de bête. Il était simplement heureux d’être fidèle à lui-même, dans le présent, au milieu de nulle part.

J’aimerais être comme l’homme au pagne.

Aimez-vous.
Qui que vous soyez.

 

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